Dans la sphère relationnelle, un phénomène de plus en plus courant est celui du « ghosting », qui se traduit par l’arrêt abrupt de toute communication sans explication préalable. Cette pratique, souvent vécue dans le domaine amoureux et amical, suscite des réactions diversifiées chez les individus. Le comportement des hommes face à cette situation abrupte et déconcertante mérite une attention particulière. L’étude de leurs réponses émotionnelles et comportementales offre un éclairage sur la manière dont ils gèrent le silence inattendu et ce que cela révèle sur les dynamiques interpersonnelles contemporaines.
Comprendre le ghosting : perspectives psychologiques et sociales
Considérez le terme « ghosting » comme un reflet de l’évolution des comportements sociaux et des modalités de communication interpersonnelle. L’Atelier de Greenwood, organisation ayant pour vocation de promouvoir une meilleure communication interpersonnelle, a récemment organisé une rencontre interculturelle. Cent personnes de vingt-sept pays différents se sont immergées dans cette dynamique de groupe, révélant les défis et les nuances des interactions humaines. Carl Rogers, pionnier dans l’analyse des processus de groupe, a par le passé décrit l’intensité des rapports centrés sur la personne, dimension que le ghosting semble ignorer voire contredire.
Le ghosting, en tant que rupture unilatérale et silencieuse, s’inscrit dans une longue tradition d’observation des perspectives psychologiques et sociales à Paris et en Europe. Louis Sébastien Mercier, scrutateur des mœurs parisiennes, observait déjà les mécanismes de distance sociale et de mépris dans les interactions du XVIIIe siècle. La question de « ne plus donner de nouvelles : quel effet sur les hommes » s’inscrit donc dans une continuité historique, mettant en lumière non seulement les réactions individuelles, mais aussi l’évolution des normes sociétales en matière de reconnaissance et d’attention.
Effectivement, l’absence de conclusion dans une relation, le silence comme réponse, inflige aux hommes une forme de crise identitaire et relationnelle, un sentiment d’invisibilité sociale qui n’est pas sans rappeler le toisement et le lorgnement critiqués par Mercier. La crise émotionnelle occasionnée par le ghosting peut ainsi être perçue comme une manifestation contemporaine de l’ostracisme social, dont les répercussions psychologiques nécessitent attention et compréhension. Cette rupture de la norme de communication bienveillante évoquée par l’Atelier de Greenwood pose la question des mécanismes de défense et d’adaptation face à un phénomène de plus en plus répandu.
Stratégies et réactions masculines face au ghosting
Dans la littérature, le personnage d’Adrien Deume, jeune fonctionnaire assoiffé de reconnaissance dans l’œuvre d’Albert Cohen, incarne une quête identitaire exacerbée par l’indifférence sociale. La scène où Marquis Volpi ignore ostensiblement Adrien Deume lors d’une soirée mondaine illustre la souffrance engendrée par le mépris du regard, un parallèle saisissant avec les réactions masculines face au ghosting. Les hommes, confrontés à l’arrêt soudain de communication, déploient une gamme de stratégies émotionnelles et comportementales pour gérer cette situation de crise.
L’analyse des expressions faciales et des comportements lors des interactions sociales révèle que les hommes tendent à masquer leurs émotions négatives, à l’image d’Aristide Briand, personnage aux « yeux morts », distrait et inexpressif. La rétention d’émotions, souvent perçue comme une marque de force, peut cependant mener à un risque accru de violence, y compris conjugale, et à une détérioration de la santé mentale. La rencontre entre Adrien Deume et Sir John Cheyne symbolise cette dualité entre l’aspiration à être reconnu et la nécessité de conserver une façade stoïque.
La mémoire traumatique et les facteurs de risque associés au ghosting sont comparables à l’expérience extrême décrite par Robert Antelme, qui met en lumière l’importance vitale de ne pas croiser le regard du SS dans les camps de concentration. Si le contexte diffère radicalement, la dynamique de survie psychologique reste pertinente : la nécessité d’adopter des mécanismes de défense face à l’effacement de l’autre, à la suppression brutale du lien social.
Face à ces défis émotionnels, les services de soutien psychologique en France se montrent particulièrement vigilants quant à la prise en charge des hommes victimes de ghosting. Le traitement passe souvent par un travail sur l’estime de soi et la résilience, essentiels pour surmonter les émotions négatives et reconstruire un rapport sain à la communication et à l’interaction sociale.